Il y a des jeux qui marquent par leur ambition technologique, et d’autres, plus rares, qui s’impriment dans la mémoire comme un film, entre sueur froide et nostalgie adolescente. Obscure, sorti en 2004 sur PlayStation 2, PC et Xbox, appartient à cette seconde catégorie : une œuvre singulière, audacieuse, qui a su capturer l’essence du cinéma d’horreur des années 90–2000 pour en faire une expérience à la fois terrifiante, touchante et profondément cinématographique.

Un teen movie dans la peau d’un survival horror

Avant Until Dawn ou The Quarry, Obscure avait déjà tout compris du pouvoir narratif du teen horror. Cinq lycéens stéréotypés : le sportif, la rebelle, l’intello, le romantique et la discrète sont enfermés dans un lycée devenu cauchemar : la formule évoque autant The Faculty que Souviens-toi l’été dernier.

Mais derrière cette apparente simplicité se cachait une vraie intelligence d’écriture. Hydravision avait compris que la peur fonctionne mieux quand on s’attache. Ici, chaque personnage avait sa personnalité, ses forces et ses failles : Josh pouvait anticiper les événements, Shannon boostait le moral du groupe, Kenny frappait plus fort. Et surtout, chacun pouvait mourir pour de bon. Pas de respawn, pas de miracle. La perte d’un ami, d’un compagnon de survie, pesait réellement sur la suite du récit. Une audace rare, encore aujourd’hui.

La lumière comme arme et métaphore

L’autre coup de génie d'Obscure, c’est sa mécanique autour de la lumière. Inspirée par les jeux d’ombres de Alone in the Dark et la symbolique du Silent Hill originel, la lumière devenait ici une véritable arme contre les ténèbres organiques qui rongeaient le lycée. Les joueurs devaient bricoler des lampes torches, des fusils à UV, détourner des projecteurs : un gameplay simple mais d’une efficacité redoutable, qui transformait la peur en stratégie. Et puis, difficile de ne pas y lire un sous-texte évident : dans Obscure, la lumière, c’est la vérité. Celle qu’on fuit, celle qu’on découvre trop tard, celle qui révèle les monstres… parfois humains.

Une direction artistique entre cinéma et série B

Ce qui faisait battre le cœur d’Obscure, c’était sa mise en scène. Le jeu respirait le cinéma : cadrages fixes à la Resident Evil, plans-séquences léchés, bande-son orchestrale signée Olivier Derivière (et interprétée par le Children’s Choir of the National Opera of Paris). Ce mélange d’angoisse et de lyrisme donnait au jeu un ton unique — entre drame adolescent et cauchemar gothique. Hydravision, petit studio français basé à Valenciennes, réussissait là où beaucoup échouaient : donner au jeu vidéo l’allure d’un film qu’on joue, sans sacrifier l’interactivité.

Une expérience à deux, avant son temps

Autre particularité marquante : Obscure proposait un mode coopératif en écran partagé. À une époque où les survival horrors privilégiaient la solitude, l’idée d’affronter la peur à deux sur le même canapé avait quelque chose de révolutionnaire. Ce choix renforçait l’aspect « slasher » du jeu : on se serrait les coudes, on criait ensemble, on perdait un personnage comme on perd un ami dans un film d’horreur... Avec une part de culpabilité et d’adrénaline.

Une œuvre orpheline mais immortelle

Vingt ans plus tard, Obscure reste une madeleine de pixels. Il évoque ces nuits d’adolescence passées à sursauter devant un écran cathodique, ces films qu’on regardait en cachette, ces amitiés construites dans la peur et la dérision. Sa suite (Obscure II) n’a jamais vraiment retrouvé la magie du premier, et la tentative de reboot (Final Exam, 2013) a dilué le charme horrifique dans un gameplay trop arcade.

Mais le mythe, lui, demeure. Dans une époque où le slasher revient en force et où les expériences narratives se réinventent, l’idée d’une revisite d’Obscure entre hommage et réinvention fait rêver. Imaginez : les mêmes couloirs plongés dans la pénombre, une bande de lycéens aux visages d’aujourd’hui, une bande-son chorale, et cette angoisse sourde de savoir que, cette fois encore, tout le monde ne s’en sortira pas…

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X__KYOKO

Les heures que l'on a passé sur ce jeu ! Avec Sum 41 en intro. Que de bon souvenirs, mais ça met une sacrée claque !

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